Déjà sorti depuis un petit moment en librairie, « Jo le très vilain petit canard » est le dernier album réalisé par Catharina Valckx. Aujourd’hui, j’ai décidé de prendre le temps de partager avec vous l’analyse de cet album et le comment j’ai voulu aborder celui-ci en maternelle. Ce qui semblait au départ juste un coup de coeur en librairie est devenu un ouvrage plein de surprises et de significations pour moi. Je vous laisse donc le découvrir. 😉
Mon objectif de départ.
Lorsque j’ai acheté cet album, j’étais à la recherche d’un récit accessible aux élèves de maternelle et pouvant aborder une ou plusieurs valeurs importantes. Ayant pratiqué dans une classe où les conflits étaient fort présents, j’ai désiré me diriger vers la thématique du vivre-ensemble.
Aux premiers abords, cet album était un coup de coeur. En effet, le personnage principal m’a paru attachant et, de plus, celui-ci peut parfois amener à pensant à une connaissance qui a vécu la même histoire.
Je suis donc sortie de ma librairie favorite avec cet album dans les mains avec comme objectif de rendre plus explicite la notion de vivre-ensemble par la mise en évidence des valeurs.
Dans cet article, je vais développer le récit en lui-même, mais aussi analyser le texte, les images, les valeurs et la qualité de ce livre jeunesse. Enfin, j’aborderai les débats auxquels peut amener la lecture de cet album ainsi que quelques autres livres à mettre en lien.
Pour résumer :
« Tout le monde le trouve trop mignon, lui fait des tas de compliments et de gouzi-gouzi, et il a beaucoup d’amis. Mais Jo le canard, lui, en a marre de ces gentillesses. Alors il décide de devenir méchant, très méchant. Pour voir. Il fait la Pas si méchant que ça… tournée de ses amis pour leur présenter son nouveau moi. Il pince l’une avec son bec, injurie l’autre sans vergogne. Il se montre tellement odieux que plus personne ne veut le voir, encore moins jouer avec lui. Et ça, Jo comprend vite que ce n’est pas une vie… » Ecole des loisirs
Analyse du texte et du/des registres de langage :
Le rapport texte/image est redondant. En effet, les illustrations accompagnent le texte. Cependant, on remarque que le registre de langage n’est pas le même lorsque Jo devient méchant et qu’il s’exprime par rapport au registre de langue qu’utilise le méchant crapaud. En effet, celui du crapaud est bien plus menaçant et brutal. On remarque que Jo, lui, utilise des mots de vocabulaire encore naïfs tels que copain, jouer, etc. Tandis que le crapaud utilise des mots vulgaire et blessants tels que « dégage », « sinon j’te tape » …
Lors de la lecture, ce changement de registre de langage doit se faire ressentir afin de montrer la différence de connotation qu’il y a entre le modèle du méchant que représente Jo, qui, au fond, n’est pas si vilain, et celui du crapaud qui est une vraie crapule.
Analyse de la première de couverture.
Le canard est illustré sur un rocher et seul. Cela peut être mis en lien avec la conséquence d’être méchant avec les autres. En effet, durant le récit, Jo le canard finit par être seul lorsqu’il cherche de la compagnie pour jouer.
Les illustrations :
Dans l’album, les illustrations sont assez simples. Cependant, elles peuvent présenter des liens à utiliser lors de l’évocation de certaines valeurs. En effet, dans le point « violence, supériorité », on évoque le fait que Jo le canard s’attaque à plus fort que lui au fil des pages. De plus, on remarque qu’il se met à voler lorsqu’il prend confiance en lui où se sent bien. Par exemples, à la page où il provoque son ami Dédé, Jo se met à voler. Et on le voit une fois de plus en plein vol lorsqu’il s’attaque à madame Lavache. Cependant, il redescend sur terre lorsqu’il se rend compte qu’il n’a plus d’amis avec qui s’amuser et jouer. Il se sent triste et ne s’accepte plus. On peut compléter cette réflexion avec le moment où, à la fin du récit, il rencontre la fourmi et où ceux deux personnages s’envolent dans le ciel. Il se sent à nouveaux mieux et confiant. On l’observe très bien, les images sont pleines de significations.
Aussi, on remarque que les illustrations ont un grand impact sur le texte. En effet, elles complètent souvent la réflexion comme, par exemple, à la page où le canard aborde le drapeau. On remarque sur l’illustration que le bonhomme vert n’est entouré de personnes et que le décor est sombre et mort autour de lui. Contrairement aux autres pages de l’album qui présentent beaucoup de monde autour de Jo le canard.
Rapport avec le vécu des enfants :
En maternelle, l’enfant est en pleine construction de son identité. Il cherche qui il est et découvre que ses actes ont des conséquences sur les autres. De plus, les conflits sont fort présents en maternelle. Il est important d’accompagner les enfants dans l’apprentissage et l’acquisition des codes de vie et du vivre ensemble.
Lien avec le vilain petit canard :
Dans le conte d’Andersen, le vilain petit canard est un personnage incompris et rejeté. Pourtant, le personnage de l’histoire, Jo est très bien accepté par les autres. Cependant, il se sent peut-être incompris. De plus, le canard est illustré en noir comme le héros du conte. Peut-être y a-t-il un lien entre les deux personnages. Car, on remarque un changement entre le début et la fin de l’album. En effet, Jo le canard a franchi un pas et accepte qui il est sans se soucier du regard des autres. Tout comme le vilain petit canard du conte d’Andersen qui devient un cygne et se sent grandit et différent de ce qu’il était avant. Il s’est accepté tel qu’il est, tout comme Jo. Ce dernier a compris qu’il devait rester comme il est car c’est comme cela qu’il se sentait le mieux.
Les valeurs :
- Vivre ensemble
Durant l’histoire, Jo s’attaque à ses amis. Il n’hésite pas à être méchant. Les autres ne prennent pas le même plaisir que lui. En effet, lorsqu’il intervient auprès des autres, ceux-ci se fâchent et se mettent en colère. Jo va comprendre qu’en étant méchant avec les autres et en les ennuyant, cela a des représailles et il se retrouve alors seul. Le vivre ensemble implique des normes et des valeurs sociales différentes et qui sont liées au rapport à l’autre. Parmi ses valeurs, on retrouve souvent la bienveillance. Sans elle, on ne peut parler de vivre-ensemble.
- Bienveillance et bienséance
L’album aborde le vivre ensemble, le rapport à l’autre et aussi la bienveillance. Celle-ci peut se joindre à un autre terme qui est la bienséance. En effet, on peut parfois les confondre.Selon le Petit Robert (page 74, le Petit Robert Poche Plus), la bienveillance est la disposition favorable envers quelqu’un.La bienséance est la conduite sociale en accord avec les usages (page 74, le Petit Robert Poche Plus)., Ce sont des usages à respecter : savoir-vivre etc.Ici, les deux termes peuvent être associés à différents personnages.Tout d’abord, la bienveillance. Plusieurs personnages ici font preuve de bienveillance. En effet, les différents animaux complimentent Jo, l’invitent à jouer, etc. Ils sont bienveillants envers Jo car ils lui veulent du bien. Aussi, la petite fourmi est bienveillante envers le canard car elle va vers lui lorsqu’il est seul et le complimente ensuite une fois le contact créé.Par contre, le crapaud vers lequel se dirige Jo lorsqu’il est seul ne fait ni preuve de bienveillance, ni de bienséance. En effet, il insulte presque le personnage principal en mettant de côté les codes de savoir-vivre. Ainsi, lorsque Jo se comporte méchamment, il met également de côté la bienséance et ne s’empêche pas de manquer de respect ou d’ennuyer les autres. On le voit dans cet album, les rapports aux autres sont différents selon les personnages.
- Le rapport à l’autre/altruisme
Le rapport aux autres est très important à développer en maternelle. Il exige différents codes et normes à développer et respecter afin de bien vivre ensemble et que le rapport aux autres soit positif. Dans l’album « Jo le très vilain canard, le rapport aux autres est présenté de façons différentes. D’abord, Jo a un rapport aux autres positif. Il est accepté et tout le monde le trouve mignon. Ensuite, lorsque Jo devient méchant, il déclenche différentes réactions de colère chez ces amis qui lui veulent pourtant du bien. Il y a une relation de cause à effet, le comportement de Jo provoque un comportement différent chez l’autre. En effet, Jo met tout le monde en colère.Enfin, le rapport aux autres est un de nos besoins de base. On en a besoin pour se sentir bien. Lorsque Jo découvre qu’il n’a plus d’amis parce que le crapaud ne veut pas jouer avec lui, il devient triste et pleure. Il se retrouve seul.A la fin du récit, une fourmi approche de Jo et lui demande ce qu’il fait seul sur son rocher et pourquoi il pleure. Jo lui explique et le voit s’en aller. Il la rappelle en veillant à ne pas lui faire peur ni à être méchant. Car il a compris que son comportement peut avoir un impact sur les relations qu’il construit.La fourmi possède, elle, un rapport aux autres différent de Jo. Elle est bienveillante. Elle cherche à avoir un rapport positif et de solidarité. Elle cherche à aider Jo le canard et le rendre moins triste. Dans le récit, la fourmi fait preuve d’altruisme, elle se dévoue à l’autre (Petit Robert Poche Plus, page 22).Le rapport à l’autre peut aussi être abordé dans le fait que Jo le canard se soucie beaucoup de ce que les autres lui disent. En effet, il est souvent dit « mignon » et lui ne supporte pas ça. Pourtant, à la fin du récit, celui-ci accepte les compliments de la fourmi et se fiche d’être mignon. Il s’est enfin accepté tel qu’il est ou encore, il ne se soucie plus de ce que les autres pensent de lui.
- Respect de l’autre
Dans le rapport à l’autre, on retrouve le principe de respect. Le respect est le sentiment qui porte à accorder à quelqu’un de la considération en raison de la valeur qu’on lui reconnaît (Petit Robert Poche Plus, page 626). La considération étant l’estime que l’on porte à quelqu’un (Petit Robert Poche Plus, page 148). Dans l’album Jo le très vilain canard, le personnage principal manque de respect envers les autres. En effet, il cause des désagréments à plusieurs personnes au fil des pages.
- La violence/la supériorité
L’album nous présente donc plusieurs valeurs différentes mais toutes sont liées. Ici, en opposition à la bienveillance, on retrouve les notions de violence et de supériorité. En effet, le canard en a marre qu’on le complimente en lui disant qu’il est mignon. Au lieu de chercher une autre solution, celui-ci décide de devenir méchant et de s’en prendre à tout le monde. Il devient malveillant. En effet, il cherche volontairement à causer des désagréments aux autres qui lui veulent pourtant du bien. Aussi, il devient supérieur face aux autres car il surprend chacun d’entre eux par ses actes. Les autres sont en infériorité face à cette méchanceté. De plus, on remarque qu’il prend de la hauteur au fil des pages et s’adresse à plus fort que lui à chaque rencontre. A la fin, il se retrouve à voler au-dessus de tout le monde lorsqu’il cause dommage à madame Lavache. Il se sent supérieur.
Ici, Jo est au niveau du sol. Le plan utilisé ici nous montre qu’il est plus petit que le cheval.
Tandis que sur cette illustration, on remarque que Jo a pris confiance en lui et se met à voler au-dessus de tous.
- La construction de sa personnalité/ vouloir être quelqu’un d’autre
Au début du récit, tout se passe bien. Le canard est accepté par tout le monde. Cependant, celui-ci en a marre que les autres le complimentent. Il décide alors de tenter l’expérience d’être méchant avec les autres pour ainsi se débarrasser des compliments et en finir. Pour cela, il insulte et terrorise tous ses amis. Une fois qu’il veut jouer, il n’a personne pour s’amuser et comprend qu’être méchant ce n’est pas si amusant que ça. Il a alors compris qu’il était mieux avant lorsque tout le monde le complimentait. C’est parfois un passage obligé pour se rendre compte qu’on est bien tel que nous sommes.
- Amitié
A la fin du récit, une fourmi s’approche de notre héros et vient lui demander pourquoi celui-ci est en larmes. Ces deux-derniers deviennent amis. Cependant, la fourmi faillit s’éloigner lorsque le canard a émis le fait qu’il avait été méchant. On peut alors se dire qu’être méchant ne contribue pas à se faire des amis ou encore que l’amitié puisse être fragilisée par la méchanceté. En effet, les personnages présents dans le récit sont tous les amis de Jo au départ. Mais suite aux événements, ils ne cherchent plus à être auprès de Jo car il a été vilain avec eux.
Transactions permettant de travailler les valeurs :
Pour travailler en maternelle avec autour d’un album, l’enseignant utilisera les transactions expliquées par Catherine Tauveron. Celles-ci permettent un travail approfondi autour d’un album jeunesse.
- Transactions textuelles et iconiques
Afin de pouvoir aller plus loin dans l’analyse de l’album, il faut avant tout vérifier la compréhension du récit. Les enfants doivent avoir compris ce qu’il se passe dans l’histoire avant de se servir de tout ce qu’il offre en termes de contenu pour développer une compétence. On pourra poser des questions telles que :
- « Que s’est-il passé ? »
- « De quoi parle notre histoire ? »
- « Qui sont les personnages ? »
- « Que leur arrive-t-il ? »
- Transactions personnelles
Il est possible de faire appel au vécu des enfants en leur demandant s’ils ont déjà vécu un moment où ils se sont senti fâchés, mal, triste voire seul, où encore s’ils se sont déjà fait ennuyer par quelqu’un. Mais il faut éviter de pointer la méchanceté du doigt via ces questions.
- Transactions critiques et réflexives
Les transactions critiques et réflexives permettent de demander aux enfants d’exprimer leur opinion et de les amener à développer leur réflexion par la suite. Ceci est ce qui permettra de développer une réflexion sur le concept de vivre-ensemble.Suite à la lecture de l’album, on peut lui poser différentes questions :
- Etes-vous d’accord avec Jo sur la réaction qu’il a eu ? Pourquoi ?
- Comment aurait-il pu réagir ? Pourquoi ?
- Auriez-vous une solution pour lui ?
- Qu’est-ce qui vous a marqué durant l’histoire ? Pourquoi ?
Réflexion sur la qualité de l’album :
Selon les critères de qualité d’un album cités par Jocelyne Giassion, l’album serait un album de qualité car :
- Il me donne envie de le partager avec d’autres personnes.
- On peut s’identifier au personnage principal. En effet, on a tous vécu un moment tel que celui présenté dans le récit.
- L’album procure des émotions, des réactions telles que la peur, la colère, la surprise.
- Lors de la lecture, on se préoccupe de ce qu’il va se passer ensuite.
- Lire cet album donne envie d’aller vers d’autres album de Catharina Valckx vers lesquels je ne serais peut-être pas allée par moi-même.
- J’ai apprécié dans le récit le personnage principal car c’est un personnage ni blanc ni noir et surtout, il est touchant.
En conclusion…
Pour terminer, n’hésitez donc pas à vous procurer cet album. très riche pour aborder le vivre- ensemble en classe. Non seulement il plaira aux enfants mais il permettra aussi d’aller très loin dans les débats qu’il peut amener. Aussi, vous pouvez très bien le mettre en lien (mise en réseau) avec d’autres albums tels que « Dans le baba! » de Edouard Manceau, « Nous, quand on sera grands » de Leroy ou encore « La brouille » de Claude Boujon. Les possibilités sont très grandes! 😉
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